J’ai choisi de m’appeler Alexis Gleiss, du nom de jeune fille de ma mère.
J’ai obtenu une maîtrise de Lettres modernes à Nancy dans les années 70 avec un mémoire sur Arsène Lupin tout en côtoyant à l’époque le petit monde des musiciens, marginaux, contestataires de tous poils.
J’ai travaillé quand il a fallu, d’abord à Paris, dans la communication, puis à Metz et Nancy.
J’ai toujours lu avec plaisir les grands romanciers américains : Faulkner, Chester Himes, Jim Thomson.
Je lis volontiers aujourd’hui Joyce Carol Oates, Nicolas Ammaniti et je relis les géants : Céline, Proust, Voltaire, etc.
Au cinéma, je me reconnais dans l’humour de gens comme les frères Cohen, Tarantino ou Mocky.
J’ai publié « Squatteurs' story » en 2009 aux Editions Territoires Témoins, un roman noir situé à Nancy au milieu des années 70, qui a reçu le Prix des Lecteurs de Lorraine.
Je publie aujourd’hui « Embuscades & Combucha » roman qui se déroule dans les années 90-2000, principalement à Paris.
" Embuscades & Combucha " d'Alexis Gleiss ETT / Dépendances
" Vous connaissez la dernière crise, celle qui commence en 2008 et qui n’en finit pas : des banques en faillite, des états en banqueroute, des populations entières en détresse. Je ne sais pas si vous étiez déjà dans le coin dans les années 1990-2000, moi je peux vous dire que ces années-là ont été terribles. horribilis ! comme dirait Élisabeth. Le commencement de la fin. La crise. La crise larvée, latente, sournoise contaminait tout. Le chômage gangrenait. Partout la crainte de ne pas s’en sortir. Au bureau on serrait les fesses. La clientèle fuyait, infidèle. courait au plus offrant, au mieux-disant, le plus bandant donc. Obligatoire. Vertige de la concurrence. tant pis pour les gogos restés scotchés sur des notions périmées, fidélité, respect du service, qualité des rapports humains. c’était entourloupettes, tracas, coups bas et plus si éventuels malentendus. L’amour aussi partait à veau l’eau. Pressé, pressuré, essoré, du coup on baisait dans l’urgence. comme en temps de guerre. Fureur et débauche de testostérone. Et le destin comme toujours frappait sans prévenir et prière de garder le sourire. De leur côté, les femmes grignotaient, avalaient, vomissaient le machisme. L’autre guerre. Certaines mêmes étaient de vraies barbares, peur de rien, pubis rasé, conquérantes, plus féroces que grands mâles. Moi je n’étais pas armé. trop confiant. Je présumais. J’avais tort. Désormais, il faudrait se battre sur tous les fronts."
" Après un certain temps de réflexion en compagnie d’une bouteille d’anisette, j’en arrivai à la conclusion imparable qu’un gars assis tout seul dans sa cuisine devant un verre d’alcool était au fond du trou, un poivrot en fin de course. Par contre, le même gars et sa bouteille installé devant un clavier et un écran d’ordinateur était un écrivain, à partir du moment où il avait commencé à écrire une phrase en prenant l’air pensif. Voilà comment j’allais me mentir à moi- même, en tentant de devenir écrivain.
J’hésitais tout de même sur la nature de l’ouvrage. Entre narrer les folles aventures d’un poney défoncé au bourrin ayant volé une deux-chevaux le jour du grand prix d’Amérique, me lancer dans un bouquin de recettes culinaires zimbabwéennes ou bien dans l’écriture d’un polar dont le héros, un flic abîmé par la vie, nous plongerait avec lui dans les abîmes de cette société moribonde à la rencontre de personna- ges désaxés abusant de moines bouddhistes carburant au Rohypnol et amateurs de gang bang sur des fœtus récupérés dans les poubelles de centres pratiquant l’IVG... Bref, je n’avais que l’embarras du choix. Ne me restait plus qu’à faire le plein de munitions éthyliques et je pourrais enfin embrasser une amorce de carrière artistique.
Alors que comme prévu j’accomplissais mes devoirs de brave consommateur dans les allées d’Inter- marché, je tombai nez à nez avec Pinpin, un vieux pote de scrabble et champion cantonal du lancer de limaces. Nous bavassâmes dans le rayon des alcools avant de nous décider à aller en boire. Il m’invita chez son cousin écluser des pastis, renifler quelques traces de coke et fumer de sa dernière récolte. Bref, rien de bien méchant en soi.
Pressé d’attaquer le début du bouquin, je pris congé de mes camarades vers vingt-trois heures vingt- deux, montai dans mon AX k-way et filai à allure modérée vers mes pénates. Trois kilomètres plus loin, approchant le giratoire de la Taupe verte, je les aperçus, eux, les gendarmes. Une partie de mon pot d’échappement et mon contrôle technique faisant défaut, j’eus le droit de m’époumoner dans le ballon tel un joueur de cornemuse au Festival Interceltique de Lorient.
Une heure de paperasserie dans le fourgon, une suspension immédiate du permis de conduire, six points en moins, une prochaine convocation au tribunal et vingt-cinq minutes de marche à pied plus tard, je parvins enfin à mon domicile."
"Mémoires de Templier / La tentation de la chair" Gilles Voydeville
Collection Locutio ou le plaisir du texte ETT Éditions Territoires Témoins
www.territoirestemoins.net
Octave de la Pâques
de l’an de grâce onze cent et nonante-et-quatre
après l’Incarnation de Notre Seigneur
En ma petite chambre à voûte de pierre, chaque jour je
m’éveillais avant que le coq ne chante. Ma prime pensée était pour
Notre Doux Seigneur. Je me levais et marchais comme aveugle à
tâtons pour allumer ma chandelle à celle du couloir. Après je
m’agenouillais dessous la Sainte Croix pour réciter un chapelet de
patenôtres1. Je La fixais de toutes mes forces. Ainsi je me fondais
en Son Admiration comme la glace se fond en l’eau bouillante. Il
n’y a point de salut à ne point s’occuper le corps ou l’esprit. La
plus grande gloire étant d’honorer Notre Jésus des meilleures parts
de notre âme. Afin d’être en lui pour qu’Il puisse nous couronner
de Sa Grâce. Et je fis si bien que j’en oubliais d’assister aux offices
divins, n’oyant plus sonner à l’aurore la cloche des matines, ni celle
des complies après vêpres.
Depuis que je m’étais départi de la riche cité de Metz où Notre
Jésus me fit tant de hauts égards, j’avais cheminé vers le royaume
d’Aragon pour y revoir mon père avant qu’il ne meure en son
castel de Loarre. Après je vins en la place de Miravet que le bon
roi Raymond Bérangé IV avait reprise aux Sarrasins pour la donner
au Temple. Au matinet la pierre des murailles est du jaune de l’or
fin, à none basse2 de celle d’un vin clair. L’air y est bon, sec et fait
peu de foudre et d’orages. La rivière coule du Septentrion3. On
peut voir du donjon les Monts du Tarragonais qui bordent au loin
la plaine et les forêts. On y guette ou cherche bonne aventure. Le
maître ès lieux est commandeur de la Province de Ribera qui est
plus grande province du Temple du pays d’Espaigne et de
Provence. Je fus le bienvenu quand je lui annonçai que j’étais un
envoyé de l’Ordre et que j’avais rang de commandeur. Je lui dis
que je me voulais retirer et méditer avant les grands voyages qui
m’attendaient et étais céans pour prier et mercier Notre Jésus de
l’immense honneur qu’Il m’avait fait de trouver le Saint Graal.
"Patrick Tanesy/ La cuisine de l’amour" Biographie par Rachel valentin
Collection Gourmande ETT Éditions Territoires Témoins
www.territoirestemoins.net
Rien n’est plus jubilatoire que de lire cette espèce de
reconnaissance amoureuse dans les yeux d’une femme attablée
devant MON baeckeoffe de foie gras. La voir, oeil mi-clos, bouche
gourmande gober lentement un morceau fondant, est un régal
inégalable.
L’amour de la cuisine, c’est cela. Faire partager son plaisir. Celui
de préparer la charlotte-mirabelles découverte avec ravissement
par la jolie dame de la table 6, de contempler la mine réjouie de la
vieille dame, table 3, devant une volaille en vessie. Le plaisir amusé
de voir le jeune couple de la 8 se presque disputer le saint-pierre
pour deux, tout simplement cuit au four imprégné d’huile d’olive
et entouré d’herbes de ma chère Provence.
Ce bonheur-là, je ne m’en priverais pour rien au monde.
J’aime évidemment cuisiner pour tous ceux et celles qui
viennent s’asseoir à mes tables. Ils, elles, sont pour la plupart des
ami(e)s, j’ai un faible pour « elles ». J’aime les femmes et j’aime les
regarder, ce n’est pas un mystère. Soyons clair, je ne suis pas
l’affreux libidineux prêt à fondre sur une proie. Pas du tout.
J’évalue, comme n’importe quel mâle normalement constitué.
Qu’il ose me contredire, celui qui prétend ne l’avoir jamais fait.